La
présence de Flaubert dans Madame Bovary
Le
principe de l’impersonnalité dans l’art
Chez
Flaubert, « l’homme et l’œuvre » ne font qu’un. La Correspondance, ainsi que
ces ouvrages de Flaubert qui ont trait à la vie contemporaine, est dominée par
trois thèmes essentiels : la haine des valeurs bourgeoises, le culte de l’art
et la doctrine d’impersonnalité. Tous les trois se reflètent dans Madame Bovary
et s’expriment avec une force particulière dans les lettres de Flaubert qui
accompagnent et éclairent la composition du roman. La question qui sera
examinée dans cet article concerne la notion flaubertienne de l’impersonnalité
artistique par rapport à la réalité qu’est Madame Bovary.
Deux
affirmations qui figurent dans la Correspondance aux deux extrémités de la
période où il fut pris par la rédaction de Madame Bovary permettent de saisir
ce que Flaubert entendait par l’impersonnalité dans une œuvre d’art. En
décembre 1852, quelque quinze mois après l’inauguration de ses travaux,
Flaubert fit part à Louise Colet de sa conviction que « l’auteur, dans son
œuvre, doit être, comme Dieu dans l’univers, présent partout et visible nulle
part » (1). En mars 1857, à la suite du procès et de l’acquittement et juste
avant la publication en volume du roman, Flaubert parla directement de Madame
Bovary dans une lettre adressée à Mlle Leroyer de Chantepie. « Madame Bovary,
lui avouait Flaubert, n’a rien de vrai. C’est une histoire totalement inventée
». Puis il ajoutait en des termes désormais familiers : « Je n’y ai rien mis ni
de mes sentiments ni de mon existence. L’illusion (s’il y en a une) vient, au
contraire, de l’impersonnalité de l’œuvre. C’est un de mes principes qu’il ne
faut pas s’écrire. L’artiste doit être dans son œuvre comme Dieu dans la
création, invisible et tout-puissant ; qu’on le sente partout, mais qu’on ne le
voie pas » (2).
Flaubert
était donc bien persuadé que Madame Bovary justifiait le culte qu’il vouait au
principe de l’impersonnalité. En contestant cette conception, on cherchera à
démontrer que la base qu’elle fournit au système esthétique flaubertien est
minée par la réalisation créatrice de Madame Bovary.
Dans
cet autre chef-d’œuvre, la Correspondance, Flaubert ne fait aucun effort pour
cacher sa personnalité. En repérant les traits dominants de sa personnalité
telle qu’elle s’affirme dans la Correspondance et en les confrontant avec le
témoignage de Madame Bovary, on tâchera de reconstruire le portrait de Flaubert
malgré lui qui se dessine au cours du roman.
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